Jamais content

26 octobre 2004

Peel slowly


Alors que mon monde musical n'était fait que de groupes de hard rock et de heavy metal, le label Strange Fruit, le nom "Peel Sessions", la pochette en noir et blanc avec tous ces noms de groupes mis bout à bout, devinrent mon sésame pour la découverte du rock anglais des années 70-80.
En 1987, Régis, un ami de mon frère, le seul punk du quartier, se prenait subitement de passion pour la bossa nova et distribuait petit à petit des morceaux de sa discothèque new wave/punk/hardcore/noisy pop. Grâce à lui, je rapportai donc un soir chez moi Evol de Sonic Youth ainsi que les Peel Sessions d'un groupe dont le nom même m'était étranger : The Wedding Present.

Au moment où ce groupe - l'un de ses préférés avec The Fall - réapparaît, John Peel disparaît.


|| Rom # 17:06

22 octobre 2004

In The Limelight

Des fois, le passé, il fait rien qu'à nous taper sur l'épaule juste pour nous rappeler un bon souvenir.

Hier soir, assis à côté de David McCartney dans cette salle de théâtre de Neuilly, alors que JP Nataf joue des titres de son récent album solo ainsi qu'une poignée de chansons de son ancien groupe ("avant je jouais dans... l'Affaire Louis Trio"), je repère l'un des musiciens dans le coin droit de la scène : un grand métisse élégant coiffé d'un béret, silhouette sortie d'une bd de Serge Clerc : sûr de lui sur la plupart des mélodies (un jeu de guitare comme celui-ci, ça ne s'oublie pas, mais j'ai beau me creuser, rien ne vient...), totalement à la ramasse sur une ou deux chansons de feu-Les Innocents...

D'où vient cette impression de déjà-vu/entendu ?

Heureusement, entre deux blagues (dont une pas très gentille à l'encontre d'un de ses musiciens), JP nous présente ce grand monsieur timide : "A la guitare, Kim Fahy... !"

Pour les moins de vingt ans (et les autres), Kim Fahy était l'homme-orchestre d'un groupe (The Mabuses) qui commis l'un des dix (allez, disons trente) meilleurs albums des années 90 (The Mabuses, 1991). On pourrait dire qu'il jouait à être XTC à lui tout seul mais cela ne suffirait pas.

Un bon conseil, écoutez Take me out de Franz Ferdinand.
Bon.
Ensuite, écoutez Kicking a Pigeon sur ledit album des Mabuses.
Alors ?

Bon, prenez vos cahiers de textes et notez pour la semaine prochaine : écouter le premier album des Mabuses. En sus, vous trouverez dans quelle chanson réside un échantillon de Penny Lane. Vous vous débrouillez comme vous voulez pour vous le procurer (revendez tous vos disques des Strokes), mais ne venez pas pleurer ensuite.


|| Rom # 11:12

21 octobre 2004

Texte paru dans Les Inrockuptibles n°40 (17-23 janvier 1996) sous le titre Miel Sauvage

Avec l'autorisation de son auteur, Gilles Tordjman ; qu'il en soit ici remercié.

Eric Dolphy, ça se voit tout de suite qu'il est pas normal : il a une bosse. Sur les photos où il est pris de trois-quarts ou de profil, c'est ça qui crève les yeux. Une bosse parfaitement ronde, très bien dessinée, en plein sur le devant du front. Il s'est cogné, peut-être ? Il a pris un ramponneau quand il était petit ? Il a refusé la priorité à un réverbère ? Mais non. Rien de tout ça. Si Eric Dolphy a une bosse sur le front, c'est parce que toutes les idées qui n'arrivaient pas à passer dans le flux torrentiel de son souffle voulaient sortir par là, et s'accumulaient jusqu'à former un tumulus à l'avant du ciboulot. C'est là que ses idées venaient durcir, jusqu'à former cette petite concaténation d'intelligence pure dominant un regard incandescent. Ou bien le premier symptôme d'un troisième oeil énorme, un oeil qui voit plus loin, plus fin, et qui sait la clarté du chaos. Dans Quai des brumes, il y a ce peintre un peu lunaire qui peint "les choses qui sont derrière les choses." C'est un imposteur. Dolphy lui a tout appris en lui jouant les notes qui sont entre les notes, derrière les notes, à côté des notes. Dolphy a plein de copains qui feraient de bons directeurs de la photographie : ils soignent leurs cadres, définissent la profondeur de champ, chiadent les éclairages. Mais lui, c'est le hors-champ qui l'intéresse. Tout ce qui est au-delà du visible, de l'audible, des balises esthétiques de son temps - fussent-elles d'avant-garde - est son terrain de jeu.

Il faut dire qu'Eric s'amuse beaucoup. Au milieu des années cinquante, jeune homme posé et absolument irrepérable dans ses premiers enregistrements aux côtés d'un Roy Porter, il fréquente normalement les deux garçons qui vont redéfinir l'esthétique du jazz à venir : John Coltrane, celui qui cherche, et Ornette Coleman, celui qui trouve. Bien. Comme Eric est modeste, il n'ose sans doute pas s'avouer que ce qui le différencie de ces deux-là, c'est qu'il n'a même pas cherché : tout était déjà là, donné, toute la musique à venir, toutes les notes que personne ne joue. On ne devient pas Eric Dolphy. On naît comme ça, à Los Angeles ou ailleurs, et l'on sait par avance qu'à l'heure où tous les autres joueront de leurs instruments, on acceptera de se laisser jouer par la musique, d'être soi-même l'instrument d'un plan plus vaste, de laisser parler en soi des fantômes. Il y faut beaucoup de modestie. "Eric avait le cœur sur la main", rapporte Teddy Edwards. Et Richard Davis d'ajouter : "C'était une crème. Quel que soit son confort financier, il partageait son pognon avec les musiciens qui n'en avaient pas. Il lui arrivait de refiler des affaires juste pour rendre service à des musiciens qui n'avaient pas d'engagement." Et Eric doutait. Terriblement. Mais pas au point de dévier d'un pouce de la voie qu'il estimait devoir suivre. "Lorsque vous me dites que vous n'aimez pas tout ce que je fais, vous ne me choquez pas et je trouve cela au contraire parfaitement normal. Non pas que je croie dur comme fer à la musique que j'essaie de faire, mais parce que c'est cette musique-là que je veux faire. Vous me dites que mes hennissements sont anti-musicaux et que mes envolées dans les couinages heurtent l'oreille. D'accord, mais même si tous les gens fuyaient dès que j'embouche l'un de mes trois instruments, si aucune firme ne consentait à m'enregistrer et si je devais crever de faim pour jouer ce que je ressens, eh bien je continuerais à jouer, contre vents et marées." Avec le recul, on s'étonne même que son jeu, qui dès le départ relègue la préoccupation du style au rang de fanfreluche - n'ait pas suscité encore plus d'hostilité, ou des réactions autrement violentes. C'est que la musique de Dolphy dépose littéralement ses détracteurs sur le bas-côté de sa route. Même les oreilles les plus rétives à la liberté mercurielle de ce chant-là savent très bien que tout ça les dépasse. "Non , je n'aime pas ce disque, confesse le Parkérien servile Sonny Stitt, à l'écoute de Far Cry. Je ne veux même pas l'entendre. Mes oreilles ne peuvent pas supporter ça." Preuve irréfutable de la grandeur d'un art : quand ceux qui se sentent éclaboussés par la jouvence disent que la fontaine n'existe pas, qu'il n'y en a jamais eu, qu'on ne veut pas de ça chez nous. Freddie Hubbard, qui ne manquait pas une occasion de le faire jouer à ses côtés, entendit plus d'une fois ce conseil amical donné par des patrons de club : "Ne ramène plus jamais ce gars ici." Au fond, tout aurait été vraiment plus simple si Dolphy n'avait pas existé.

Toute la postérité bizarre de Dolphy tient dans cet écart permanent entre l'apparition, la visibilité – ses nombreux enregistrements en leader ou comme sideman, en studio ou sur scène, dissipent la mythologie du poète maudit tenu sous le boisseau par on ne sait quelle conspiration du silence – et l'effacement ontologique, tant l'homme semble à chaque fois disparaître derrière la monstrueuse beauté de sa musique. D'un côté, il semble agi par la musique, jusqu'au débordement. C'est ainsi que Jean-Louis Comolli a pu écrire de lui : "Etrange musicien qui ne sait pas se tenir, se laisse semble-t-il déborder par son propre jeu, donne asile en lui-même à l'autre et, non réconcilié, ne renonce ni aux grâces ni aux enfers. (...) Hors de toute emphase, il franchit comme sans y prendre garde les limites du thème, du style, de la musique : un autre joue en même temps que lui et le double. Double registre. L'impression ô combien troublante qu'un même musicien en est deux, que la clarinette basse est divisée et répartie sur deux portées, fendu l'alto, clivé l'outil musical." D'un autre côté, jamais avant lui un instrument n'avait à ce point pris possession de celui qui le joue, et affirmé son timbre avec autant d'impudeur. On a souvent dit de Dolphy qu'il jouait de trois manières différentes selon qu'il s'exprimait à l'alto, à la flûte ou à la clarinette basse. C'est vrai et faux à la fois. Aurait-il joué de l'enclume ou de la scie musicale, Dolphy n'aurait jamais joué que du Dolphy. Dans le même temps, personne ne fut plus attentif à la spécificité des timbres et à la manière d'en tirer parti. L'extrême justesse de son intonation à la flûte est aussi troublante que le "faux apprivoisé" de son saxophone alto. A ce niveau de liberté musicale, on ne peut plus parler de technique maîtrisée, mais bien de technique domptée. Un jour de 1962, Dolphy a travaillé avec Varèse en personne afin de mener à bien l'interprétation de Densité 21.5. C'est un jour qu'on devrait commémorer dans toutes les grandes écoles du saccage raisonné. Dans un essai sur la musique auquel il travaillait peu de temps avant sa mort, et resté en grande partie inédit, Charlie Mingus apporte cet éclairage tout à fait passionnant : "J'ai connu Eric quand il était enfant. Lloyd Reese répétait avec un groupe tous les dimanches, Eric venait s'asseoir sur les marches et écoutait. C'était un garçon très doux. J'ai toujours su qu'il ne serait pas le nouveau Charlie Parker : il ne jouait pas de lignes claires, comme Bird. Sans qu'il le veuille, son sax sonnait complètement faux dans le registre aigu. Quand je lui ai demandé pourquoi il ne s'achetait pas un autre instrument, il m'a dit qu'il appréciait cette imperfection qui lui permettait de jouer des quarts de ton. Il prêta un jour son biniou à Buddy Colette qui, après l'avoir essayé, lui dit : Il est désaccordé, Eric. Comment fais-tu pour jouer là-dessus ? Eric répondit : je peux le faire jouer juste mais je peux également, quand je le veux, jouer des quarts de tons, grâce à ce défaut de justesse." Jamais, en tout cas, le faux n'aura sonné plus juste, lié par quelque mystérieuse relation à une harmonie supérieure et comme dissimulée derrière la plate évidence du tempérament égal, qui divise arbitrairement l'octave en douze notes. Dolphy vous parle d'un temps que les moins de 400 ans ne peuvent pas connaître.

Chico Hamilton est un genre de bon gros balzacien, débonnaire et véloce. C'est l'un des plus fins batteurs en activité et, sous prétexte qu'il a commis quelques faux pas – encourager les débuts du tartuffe Larry Coryell, par exemple – il ne jouit pas exactement du capital de sympathie qu'il mérite. C'est pourtant lui, à la tête d'une formation exemplaire de ce qu'on a pu appeler du "jazz de chambre" (batterie légère, violoncelle, guitare et saxophone), qui fut en 1958 le premier employeur de Dolphy. Dès les premiers enregistrements, comme dans cette prise inédite de In a Sentimental Mood, il est déjà lui-même. Les audaces sont certes mesurées, une certaine contention est sensible, mais cette manière de tordre la note tenue, de l'étirer, de lui donner une légère courbure et de la boucler sur elle-même comme un ruban de Mœbius ne peuvent pas tromper : ce goût légèrement salé du frottement harmonique à peine grinçant, on le retrouvera trois ans plus tard dans le renversant exposé du thème d'Images, déjoué aux côtés de son pote Oliver Nelson. Aux côtés de Chico Hamilton, il enregistre la matière d'à peine deux albums (That Hamilton Man, simplement réédité sous l'intitulé Chico Hamilton Quintet, et Gongs East !) d'une exquise subtilité. En 59, départ pour New York et affirmation d'une personnalité affranchie de toute influence. Du 1er avril 1960 au 8 septembre 1961, leader ou sideman, Eric Dolphy enregistre l'équivalent de 18 albums pour la firme Prestige, sans compter sa collaboration au Workshop de Mingus, son apparition explosive au générique de Free Jazz, le manifeste d'Ornette Coleman, et son partenariat avec John Coltrane. A l'exception d'une séance en big band pour Eddie "Lockjaw" Davis, où sa présence est imperceptible, il n'y a pas, dans tous ces enregistrements, un seul instant de musique anodine. Coltrane évoque le ressac d'une marée furieuse, Coleman l'inaltérabilité des pierres. Dolphy serait un fleuve, à gros débit. Plus Zambèze que Corrèze. Mais un fleuve qui dévierait parfois de son cours pour irriguer les terres adjacentes. Dolphy dit : aujourd'hui, c'est fleuve pour tout le monde. Et c'est tous les jours aujourd'hui. Ca s'arrose. Quand il compose un thème sur une grille de blues, comme Serene ou 245, ça sinue, ça se répand, ça s'étale sur la totalité des douze mesures réglementaires. Lorsqu'il s'affronte au solo absolu, comme sur God Bless the Child, Love me ou sur ces renversantes bandes de travail rééditées tardivement par Blue Note (Other Aspects), Eric n'est jamais seul : l'autre, le double bossu, le Zarathoustra intérieur danse sur les crêtes des montagnes que ses arabesques dessinent. Il danse vite, car le dessinateur facétieux efface ses esquisses aussi rapidement qu'il les trace. Dolphy s'amuse bien : la vie est douce. Douce comme le miel et les bonbecs qu'il consomme à haute dose pour éviter l'hypoglycémie diabétique qui finira par l'emporter. Il y aurait assurément une belle étude à faire sur la place du sucre dans la genèse du jazz libertaire, et l'on pourrait enfin discuter des mérites comparés de la tarte aux patates douces chère à Coltrane, et du miel de montagne chez Dolphy. La critique de jazz a beaucoup à apprendre de la pâtisserie. Comme un bon mitron, Eric ne se souvient pas de ce qu'il met dans sa préparation. Il suffit qu'elle soit toujours réussie. Au journaliste de Jazz Hot, venu l'interviewer en 1961, il glisse dans la conversation cette petite phrase qui le résume mieux que toute autre : "Je ne sais pas si, à l'heure actuelle, quelques musiciens aux Etats-Unis ou ailleurs tentent de trouver quelque chose de nouveau et, en fait, je ne crois pas indispensable de chercher pour trouver." La mort le trouvera en Allemagne, le 29 juin 1964, suite à un coma diabétique.

On dirait qu'en fait, il est pas mort, Dolphy. On dirait qu'il est revenu dans le jardin de la maison de ses parents, au 1593 West 36th Street, à Los Angeles, et que c'est un bel après-midi de printemps avec la douceur de l'air et tout ça. Eric fait ce qu'il a toujours fait dans ces cas-là : il sort du garage qu'on lui a aménagé et s'assoie dans l'herbe pour jouer de la flûte. Un piaf, puis deux, puis trois, s'approchent. Puis plusieurs. Eric joue avec eux. Au bout d'un moment, énervés d'être aussi bien imités, les oiseaux se taisent et écoutent. Là, Eric leur montre quoi chanter, il leur refile ses plans. Maintenant c'est un pépiement constant, un boxon palmipède, une vraie volière harmolodique. Devant la maison, un vieux habillé bizarrement fronce les sourcils, s'arrête et repart en maugréant. C'est Saint-François. On comprend qu'il fasse la gueule.

The Complete Prestige Recordings. Coffret 9 CD comprenant l'intégralité des séances publiées en albums séparés sous les titres suivants :

Eric Dolphy : Outward Bound, Out There, Far Cry, At the Five Spot vol. 1 et 2, In Europe vol. 1, 2 et 3, Here and There, Dash One, Memorial Album.
Oliver Nelson : Straight Ahead, Screaming the Blues.
Mal Waldron : The Quest
Ken Mc Intyre : Looking Ahead
The Latin Jazz Quintet : Caribé
Ron Carter : Where ?
Eddie "Lockjaw" Davis : Trane Whistle.

|| Rom # 17:25

20 octobre 2004

Non, deux noms

Il est un peu difficile de bon matin de devoir subir :

- la bêtise jésuitique institutionalisée de Michel Camdessus (oui, celui-là même qui, alors qu'il était directeur général du FMI déclarait, un sourire cynique aux lèvres, aux autorités du Honduras, "ne soyez pas obsédés par cette histoire de réduction de dette", au beau milieu des ruines du cyclone Mitch) ; on lira avec profit cette lettre ouverte sortie des archives de l'Humanité ;

- le jazz moisi institutionalisé de Wynton Marsalis (dont l'envoyé spécial de France Inter se réjouit qu'il soit "aussi reconnu que la musique classique" tout en reconnaissant que ce Jazz at Lincoln Center sponsorisé par une boisson gazeuse va vider les clubs de la ville).


|| Rom # 07:52

13 octobre 2004

(Manque d') économie

Une couverture qui propose Eric Dolphy en grand, alangui sur sa flûte ; une visite guidée du coffret Miles Davis période 1963-1964 ; le retour du sacré fantôme Albert Ayler (pour le coffret publié par Revenant Records, label qui n'a jamais aussi bien porté son nom) : ça fait envie, et puis ce n'est pas tous les jours qu'on achète Jazz Magazine.

Une fois le magazine acheté - le marchand de journaux est tout content que vous ayiez acheté deux magazines (Je ne parle pas de Vibrations, je vais finir par mentionner Berroyer et Gilles Tordjman once again) - on s'aperçoit que les cas Dolphy et Ayler (c'est ainsi qu'on semble les considérer à Jazz Magazine) sont accompagnés d'une espèce de sticker qui dit : "N'AYEZ PAS PEUR DU FREE !" dans un lettrage post moderne-clin-d'oeil-ne-manquent-que-les-guillemets-pour-la-connivence-qu'est-ce-qu'on-rigole.

Aussi loin que je remonte, je n'ai jamais abordé un nouveau type de musique avec la peur au ventre. Le premier LP d'AC/DC (en fait, deux d'un coup, Back in Black et For Those about to rock We salute you), le premier 45 tours d'Iron Maiden (au Monoprix de Bourg-La-Reine, j'avais quand même demandé à l'employée de le jouer sur son électrophone, histoire d'entendre où je mettais les pieds), étaient surtout l'envie, la joie inquiète d'arriver dans un pays nouveau. Pareil ensuite, quelques années plus tard à la discothèque municipale, pour le coffret Riverside de Thelonious Monk, pour Out to Lunch, pour ce concert suédois de Coltrane ((à moins que ce ne fût en pays batave).

La couverture annonce : "Eric Dolphy / Portrait d'un homme libre / Dossier complet / Témoignages / Discographie sélective / Photos rares".

L'article est purement factuel et doit juste sa particularité par une première phrase toute d'humour post-moderne (il faudrait dire au rédacteur que cela est passé de mode) : "On ne dira jamais assez tout le bien que la ségrégation raciale a fait au jazz !..." Le second paragraphe dément l'utilité même d'une telle entrée en matière. Le reste n'est que (mauvaise) litttérature et n'aménera pas le novice à se pencher sur la musique d'Eric Dolphy. Au mieux, celui-ci est présenté comme un sideman dont l'alpha et l'oméga sont le mois de juin (juste mais un peu juste). Les photos présentées comme inédites (elles sont de Val Wilmer) ne le sont, pour une part, que pour celles et ceux qui n'ont jamais mis la main sur le coffret The Complete Prestige Recordings ; les autres étant reléguées à un format indigne dans le corps d'une discographie un peu trop sélective. Les témoignages sont certes dignes d'intérêt mais mis en page dans une maquette digne d'un numéro de Best (autrefois digne concurrent de Rock & Folk lorsque ce dernier écrivait son nom en lettres métallisées) de 1982, ils ne reflètent pas quelque attention particulière de la part de la rédaction.

Jazz Magazine a donc perdu l'occasion de faire envie, de faire partager l'oeuvre d'Eric Dolphy. On est loin de cet article de Gilles Tordjman (quelque part entre 1995 et 1997) qui, dans Les Inrockuptibles (oui, oui), avait trouvé les mots justes.

Jusqu'ici, je n'ai osé prolonger ma lecture plus avant ; même si l'article sur Ayler est en fait l'interview réalisée par Daniel Caux peu avant la mort de celui-ci. On peut économiser 5 euros sans regret (ou aller payer une visite gratuite à leur site)


|| Rom # 23:47

08 octobre 2004

Jeux au filet

Plein de raisons de se réjouir là maintenant ou un peu plus tard :

- c'est le grand retour de Panzerfaust ;
- c'est aussi le grand retour d'Archicheap ;
- demain, Chryde, grand manitou de La Blogothèque sera sur France Inter (17h00-18h00) dans l'émission de Valli, Système Disque accompagné de David F., autre bloggeur de talent, pour y parler des mp3 blogs ;
- un mp3 blog à découvrir : Sven's weblog - Artists mentionned in The Wire ;
- quelques années après coup, je viens de m'apercevoir que Gilles Tordjman et Grégoire Bouillier (qui m'étaient déjà estimables) ont un point commun... Je vous laisse chercher et vous explique ce point commun bientôt.


|| Rom # 23:26

07 octobre 2004

Murat tel quel (II - Le retour)

Tout est dit ici : http://jeanlouismurat.free.fr

Le site fantôme ne l'est donc plus.



|| Rom # 01:25

04 octobre 2004

Certaines personnes peuvent travailler dans ces conditions mais pas moi.

Si je m'immerge dans le texte que je souhaite écrire - le texte qu'il me plaît d'écrire - je peux en sortir un truc satisfaisant, mais quand j'essaie laborieusement de pondre une histoire en pensant que ce sera vendeur, alors c'est un vrai fiasco.

(Dashiell Hammett, "Lettre au rédacteur en chef de Black Mask, août 1924", La Mort c'est pour les poires. Correspondance 1921-1960, Editions Allia, 2002)


|| Rom # 22:54

01 octobre 2004

I Can't Forget (but I don't remember what)

Curieuse et furieuse ressemblance de l'intro de I Can't Forget (Leonard Cohen) avec celle de I Just Call to Say I Love You de Stevie Wonder ; pour tromper l'ami peut-être. La nuit dernière, j'ai réussi à m'endormir en échafaudant une théorie à propos de David Bowie. Peu d'éléments me reviennent si ce n'est que je connais peu de reprises de chansons de Bowie qui tiennent la route (Celle de Nirvana "unplugged" à la rigueur). Est-ce un hasard si les seules reprises vraiment intéressantes, celles de Philip Glass, ("Heroes" Symphony et "Low" Symphony) viennent d'une période artistiquement intéressante - là où Bowie devance et se lance au lieu de suivre ou de prévoir ? Prenons Let's Dance (l'album que j'écoutais sans discontinuer sur mon premier walkman) et retirons les arrangements et autres gimmicks : que reste t-il ?

La dernière fois que j'ai entendu Bowie faire (l')intéressant, c'était lors de son 50ème anniversaire au Madison Square Garden, sur un morceau où il était accompagné par Sonic Youth, une espèce de bataille à coup de décibels. Je me suis rendu compte que ce qui semblait être une reprise était en fait l'une de ses propres chansons, I'm Afraid of Americans. Tout se passait bien. Jusqu'à ce que, la chanson terminée, Bowie remercie l'audience d'un "God bless America".


|| Rom # 02:13